
5 novembre 2008 paru http://www.bobdylan.com/#/user/4240
La pérennité de Bob Dylan
La Presse
Trois concerts montréalais en deux ans pour cet artiste si influent, c’est-à-dire depuis son premier album en 1962. Pas arrêtable, Bob Dylan.
Pourquoi, à 67 ans, l’auteur-compositeur-interprète américain intéresse-t-il toutes les générations, représentées mardi soir dans les gradins du Centre Bell ? Parce que Dylan ne s’est jamais arrêté. Parce qu’il n’a cessé de bosser, malgré la richesse et la célébrité. La majorité absolue de ses contemporains (et autres artistes des générations qui lui succèdent) ne fonctionnent pas ainsi une fois le succès atteint.
L’oeuvre de Dylan, certes marquée par des passages à vide, a fréquemment retrouvé la lumière de l’inspiration, l’homme traverse actuellement une des belles périodes de sa longue carrière. Long fleuve… pas si tranquille ! Voilà une oeuvre horizontale qui trouve peu de comparatifs - Neil Young, par exemple ne se s’est jamais vraiment arrêté de jouer depuis des temps immémoriaux.
Qui plus est, Bob Dylan a transformé ses propres limites techniques en qualités (chant pas toujours juste, pour ne citer qu’un défaut majeur), sinon en traits proverbiaux de son expression. Mardi soir, en tout cas, il avait la forme. Une forme remarquable. Son jeu de claviers, qu’il préconise depuis la sortie de son 32e album studio, l’excellent Modern Times, semble avoir fait de lui un meilleur interprète. De facture blues-rock avec des pointes folk et country, le son live de Dylan est à son meilleur, il peut compter sur une machine huilée au quart de tour. Machine qui permet à Robert Zimmerman d’imprimer dans notre imaginaire des dizaines et des dizaines de textes fabuleux.
mikhail_boulgakov
19 Novembre 2008
11h30
AAAAAAAAAAAAAAARRRRRRRRRGGGGGGGGGGHHHHHHHHHHH!!!
Si je lis encore une fois que Bob Dylan chante pas juste, je vais occire quelqu’un !!!
Bob Dylan est un monstre de justesse, au contraire. Il chante la folk comme elle doit être chantée, c’est-à-dire, avec une approche diatonique, plutôt que tempérée.
Écoutez du Woody Guthrie, ou encore du vieux blues de 1930 –qui ont inspiré Dylan. Vous aurez l’impression que c’est faux. Et d’aplomb à part ça. Or, ce n’est pas faux : c’est juste accordé diatonique (i.e : pour une seule clef). On compense les cordes de si et de mi, entre autres. Ça donne des quartes ‘à l’africaine’, un peu plus sharp (c’est d’ailleurs l’origine de la ‘blue note’ : les field hollers chantaient des intervalles non tempérés). En tuning diatonique, c’est plein de notes enharmoniques. Par exemple, sur un piano, fa dièse = sol bémol. C’est tempéré. Marie-Mai chante comme ça. Comme une bonne petite fille. Mais sur un harmonica en sol, ou sur un harmonica en fa, le ‘fa dièse’ varie. Il est plus ‘haut’ sur l’harmonica en sol.
Dylan chante comme ça. Comme un harmonica. Comme une guitare en open tuning. Il est plus que juste : il est micro-juste. Diaboliquement juste. Ça choque les oreilles habituées à la ‘folk’ de Richard Séguin ‘tunée’ à l’accordeur… Mais faites-le tourner au Sénégal, et personne ne vous dira qu’il fausse. Réécoutez Oxford Town pour la quintessence de la justesse. Ou encore Girl from the North Country. Ou encore North Country Blues, avec des inflexions africaines / gitanes qui rivalisent avec celles de John Lee Hooker.
On me sortira qu’il ‘fausse’ dans ‘Like a Rolling Stone’, ou dans ses blues imprivisés psychotroniques. Ben non. Ils rappe, c’est pas pareil.
Bob Dylan fausse… Quelle hérésie !
Alain Brunet
19 Novembre 2008
11h58
@Mikhail
Mon Dieu Mikhail, calmez-vous ! Vos arguments théoriques servent quelqu’un … qui chante souvent faux. Comme vous, ça me séduit plutôt que ça me hérisse, ça finit par être parfaitement acceptable mais cela n’est pas tout à fait désiré comme vous le laissez entendre. Serait-ce à dire que votre théorie sur le choix de l’approche diatonique plutôt que la tempérée est un… sophisme ? Dans le cas des musiques traditionnelles d’Afrique de l’Ouest, vous avez parfaitement raison de le souligner. Dans le cas de Dylan, son chant (souvent faux) me semble on ne peut plus charmant. Pas besoin de détourner une théorie pour l’aimer…
Alain Brunet
19 Novembre 2008
12h17
@Mikhail
J’ajouterais que ces doués folk singers blancs d’Amérique, de Woodie Guthrie à Bob Dylan, se sont inspirés du blues, d’origine subsaharienne. Inconsciemment ou non, ils ont été marqués par les racines du blues et la façon dont on le chante, même à l’ère moderne. Dans le cas de John Lee Hooker, un exemple que vous soumettez avec raison, le «tuning diatonique» est palpable. Dans le cas de Dylan, les errances de la voix vont bien au-delà de ces modes traditionnels qui induisent effectivement une autre notion de la justesse mélodique, comme vous l’avez si bien expliqué.
hdufort
19 Novembre 2008
12h26
Chanter juste, comme tous les chanteurs produits en série par les téléréalités? C’est à la portée de tout le monde. Mais le blues et le folk demandent de la personnalité, une voix qui s’accorde de manière “différente”, une surface plus rugueuse, des imperfections à dimension humaine. Tom Waits fausse-t-il, devrait-il prendre des cours de chant? L’époque de “Heartattack & Vine” avec son autodérision et son air “poivrot désabusé” doit tout son charme, justement, à cette voix écorchée.
J’écoutais récemment l’unique album folk de Rachel Goswell (dont la carrière solo n’a pas hélas la même portée que les groupes dont elle a fait partie) et un ami m’a fait le commentaire: “Mais elle fausse à chaque chanson!” Non, elle ne fausse pas… elle laisse seulement sa voix se briser. Comme les vagues du titre de l’album. C’est cela, le folk. Et on le doit à Dylan.
renaud_1
9 Novembre 2008
13h12
J’étais au show de Dylan hier. C’est vrai qu’il chante parfois faux mais c’est plutôt charmant.
Et je suis d’accord avec Mikhail et son discours sur l’approche diatonique de Dylan sauf que sa théorie s’applique plutôt a ses albums studio, pas a ses prestations live.
D’ailleurs c’est vrai que sur ses albums il métrise parfaitement cette technique, par contre en show c’est une autre histoire. C’est vrai qu’en show il échappe une fausse note une fois de temps en temps.
Mais ce n’est pas grave , on peut bien pardonner ca a Bob Dylan. Ce n’est pas tout les jour qu’on a la chance de voir un vrai génie s’exprimer sur une scène.
lecteur_curieux
19 Novembre 2008
14h02
Je crois aussi que c’est un géant et à la pérennité de son oeuvre.
Pour les voix justes ou pas. J’embarque pas dans ce débat là vraiment. C’est seulement en musique classique je trouve que les voix doivent être réellement justes. En musique populaire, jazz et autres musiques c’est l’INTERPRÉTATION qui doit être juste.
Est-ce que Richard Desjardins chante juste ? Gerry Boulet chantait juste ? Cela dépend ce qu’on chante…
Pour Richard Séguin il n’a plus la même voix que dans les années 80 par exemple mais c’est toujours intéressant.
Un baryton, un ténor qui fausserait selon les standards de la musique classique serait recalé tout de suite. Mais en rock, jazz ou pop ? Qu’est-ce que faussé ?
C’est une voix avec du caractère Bob Dylan tout simplement. Et reconnaissable entre toute. La même chose pour Richard Desjardins à plus petite échelle ou si vous voulez Gilles Vigneault.
Et la voix c’est toujours une question de goût aussi. Moi je trouve que certains chanteurs ou chanteuses à voix quand ils poussent la note cela sonne faux. Alors que d’autres disent que la voix est toujours juste. Pas pour moi, un vrai chanteur de puissance, il faut pas que l’on sente que cela force. Mais la note est-elle vraiment fausse ? Ou ce sont juste mes oreilles qui ont de la difficulté à supporter ?
lecteur_curieux
19 Novembre 2008
14h12
Ce qui sonne plus faux c’est de donner un félix pour l’album jazz interprétation à Bruno Pelletier ou Frédéric deGrandpré… Cela veut pas dire que leur album est mauvais du tout. Mais ce ne sont pas des chanteurs de jazz.
Leurs musiciens oui par contre mais pas eux. La même chose pour Pelchat et le country.
Ils peuvent mériter leur récompense pareil mais ce sont pour moi des albums ”VARIÉTÉS” un à saveur jazz et l’autre à saveur country.
C’est l’ADISQ qui sonne faux.
Pour revenir au chant ”fausser” peut même être une qualité dans le chant populaire si cela donne de la force à l’interprétation et au personnage.
Dylan c’est une voix folk ou dans ce type là, pas de puissance mais de CARACTÈRE. J’ADORE CELA !
mikhail_boulgakov
19 Novembre 2008
14h24
@renaud_1
C’est vrai pour le live, Dylan rappe beaucoup plus qu’il chante. Et il s’en contre-cr$@ de ce qui sort des moniteurs. En plus, il s’interdit de chanter la même mélodie deux fois, ce qui lui complique l’existence en maudit. Je le préfère de loin sur disque.
@lecteur_curieux
Bonne observation, c’est vrai que l’univers de la musique de répertoire est entièrement autre. Les musiciens de répertoire ne sont toutefois pas non plus des robots MIDI, ils savent aussi jouer sur les inflexions microtonales pour donner de la couleur à une phrase musicale. Moins qu’en pop, mais tout de même. C’est juste plus fin.
@AB
C’était une montée de lait pour la forme. N’empêche, j’ai eu cette discussions des dizaines de fois. J’ai à chaque fois mis mon interlocteur au défi de me trouver une fausse note, une, (à part quand il rappe) dans le répertoire de Dylan. J’attends toujours. Si ‘tambourine man’ et ‘blowin’ in the wind’ étaient si ‘faux’, comment se fait-il que Peter Paul & Mary et les Byrds ont su exactement quelle partition chanter ? Remarquez, PPM ajoutaient des mineurs relatives (un si mineur au lieu d’un ré ‘carré’) pour adoucir les intervalles trop crus de Dylan, mais encore une fois, c’est parce qu’ils transoformaient de la vraie folk music en pop fadasse. Jimi Hendrix, lui, a parfaitement rendu la ‘justesse’ de Dylan dans ses versions (Rolling Stone, Watchtower).
lecteur_curieux
19 Novembre 2008
14h26
Chez les artistes c’est l’émotion qui doit être vraie… L’interprétation, les émotions et tout cela…
S’ils en font que chanter juste. Artistiquement cela vaut pas grand chose. Et comparer les… Je suis allé dans le passé voir des étudiants en chant à l’université McGill et ils avaient pas mal tous plus de voix que la plupart des chanteurs populaires que l’on dit à voix.
Ils battaient pas Ginette Reno bien sûr… Mais beaucoup d’autres. Pour Ginette Reno ce qui est dommage c’est qu’on a pas plus profiter de son talent d’interprétation en même temps. Elle sait faire passer l’émotion elle…
Alain Brunet
19 Novembre 2008
14h26
@ tous
Vraiment, il y a consensus sur la voix de Dylan, au-delà de toutes considérations sur sa justesse. Nous l’aimons tous (enfin, ceux qui se sont exprimés sur le sujet), elle lui sied parfaitement. :)
Alain Brunet
19 Novembre 2008
14h35
@Mikhail
Renaud_1 a eu une bonne remarque: ces déviations vocales sont nettement plus accentuées sur scène que sur disque, effectivement moins évidentes et plus proches de ce que vous suggérez au sujet de sa justesse. Je vais d’ailleurs me prêter à votre exercice de réécoute aussitôt que j’en aurai le temps. Et il est vrai que Dylan déclame plus qu’il ne chante.
renaud_1
19 Novembre 2008
15h02
En passant RollingStone viennent de sortir leur liste des 100 plus grands chanteurs, Bob Dylan arrive 7e.
J’aime bien le commentaire de Bono “Dylan did with singing what Brando did with acting. He busted through the artifice to get to the art.”
Je pense qu’il a bien résumé la facon de chanter de Dylan ainsi que sa facon de travailler en général ‘He busted through the artifice to get to the art’. C’est pour ca qu’il est encore pertinent aujourd’hui.
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